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Portrait Pascal Le Mee

Interview d'Constance Taillard par Nayoung Kim Millius, avril 2023

Pourriez-vous nous raconter votre rencontre avec l’orgue? Comment avez-vous décidé de poursuivre le chemin de musicien professionnel?

J’ai d’abord choisi l’orgue comme classe optionnelle, à 12 ans, pour valider un diplôme de clavecin. La formation devait durer un an mais la personnalité si généreuse et passionnée de mon professeur, Jean-Paul Rey, m’a encouragée à me perfectionner. Les stages d’été encadrés par des musiciens de renommée internationale ont été une étape essentielle avant de m’orienter vers ce métier. Nous enchaînions les cours, les concerts, conférences, ateliers d’improvisation. C’était aussi une sorte de première pour moi d’avoir chaque jour deux heures de travail à l’instrument. L’année de mon baccalauréat, j’ai décidé de poursuivre mes études musicales à Paris.

Quelle est la plus grande beauté de l’instrument pour vous?

Chaque orgue permet une diversité de couleurs fascinante. En l’espace de quelques secondes, il peut passer d’une infinie douceur à une puissance sonore très impressionnante. Cette alternance entre discrétion et dimension orchestrale est certainement l’aspect que j’apprécie le plus à l’orgue.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez en tant qu'organiste?

Chaque orgue ayant ses propres caractéristiques, il est toujours risqué de proposer un programme sans connaître les particularités de l’instrument. Dans mes premiers pas de concertiste, il m’ait déjà arrivé de choisir des œuvres dont l’étendue dépassait le clavier ou le pédalier. Je devais donc réécrire quelques passages pour que l’œuvre puisse sonner correctement malgré les notes manquantes. Pour chaque récital, je prévois un minimum de cinq heures sur l’orgue pour m’adapter à la configuration de l’instrument (toucher, disposition des claviers, positionnement du pédalier) et prévoir une registration de qualité qui le mettra le plus en valeur. Les organisateurs de concert ne sont pas toujours conscients de ce temps de préparation et j’ai le souvenir d’avoir parfois manqué de temps de répétition. Enfin, l’orgue ne disposant pas toujours de combinateur, un voire deux assistants sont toujours très précieux pour que les registrations puissent s’enchaîner avec souplesse.

Dites-nous un peu sur votre programme pour le concert AOA.

Le programme que je proposerai à l’auditoire de Calvin fera sonner l’orgue du XVIIe siècle qui s’affirme déjà haut et fort comme instrument roi en Allemagne, France et Italie. A cette époque, de brillants compositeurs se positionnent en chef de fil pour faire évoluer le paysage musical et promouvoir de nouvelles formes. Du style libre à la polyphonie, en passant par la danse, ce programme a pour objectif de parcourir le répertoire emblématique du début du Grand siècle. L’exigence retrouvée dans ces compositions laisse déjà entendre l’arrivée triomphale d’un génie inégalé, également représenté dans ce récital : Johann Sebastian Bach.

Quelle serait, selon votre vision, la place de la musique d’orgue dont la grande partie de son répertoire se compose de la musique d’église, dans notre société actuelle? Et son rôle dans le futur?

Que l’on soit croyant ou non, la musique d’église a un effet de fédération et de réconciliation entre individus. Elle a le don de révéler le meilleur de nous-même et nous concentre sur les sujets les plus essentiels de nos vies.

Quelle est votre opinion sur le rôle des organistes et des musiciens pour les jeunes générations? Quels seraient, à votre avis, les impacts de vos activités musicales?

Le métier d’organiste et de musicien en général évolue constamment. Notre rôle de médiateur est aujourd’hui fondamental. Nous devons élargir nos publics en faisant connaître davantage l’orgue. Pour y parvenir, il est important de proposer des programmes « grand public », facile à écouter tout en faisant découvrir de nouvelles œuvres qui pourraient attiser la curiosité des auditeurs. Si j’avais un conseil à donner aux plus jeunes, ce serait de cultiver les activités multiples qui gravitent autour de ce métier : les récitals bien sûr mais aussi la médiation auprès des publics éloignés de la culture, l’enseignement, la promotion des orgues et du patrimoine ainsi que le soutien des différentes fondations et associations qui permettent aujourd’hui le rayonnement de notre instrument.

Un message particulier au public du Festival Souffle de Printemps ?

Il est parfois difficile de franchir les portes pour écouter un concert d’orgue, cet instrument mystérieux, souvent caché du public. Et pourtant, l’expérience d’un concert nous transporte dans une dimension nouvelle qui, l’espace d’un instant, nous offre un sentiment de quiétude extraordinaire. Comme dans beaucoup de situations, cette sensation n’est parfois accessible qu’au deuxième ou troisième concert. N’hésitons plus à nous lancer dans cette aventure bouleversante du concert! Comme introduction au concert du 29 avril, vous pouvez d’ores et déjà découvrir les vidéos de mes concerts passés sur le site https://constancetaillard.com/